« Cette délicieuse bibliothèque publique »

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LES QUAIS ET LES BIBLIOTHÈQUES

Je vais le plus rarement possible dans les grandes bibliothèques. J’aime mieux me promener sur les quais, cette délicieuse bibliothèque publique.
Néanmoins je visite parfois la Nationale ou la Mazarine et c’est à la Bibliothèque du Musée social, rue Las Cases, que je fis connaissance d’un lecteur singulier qui était un amateur de bibliothèques.
« Je me souviens, me dit-il, de lassitudes profondes dans ces villes où j’errais et afin de me reposer, de me retrouver en famille, j’entrais dans une bibliothèque.
— C’est ainsi que vous en connaissez beaucoup.
— Elles forment une part importante de mes souvenirs de voyages. Je ne vous parlerai pas de mes longues stations dans les bibliothèques de Paris; l’admirable Nationale aux trésors encore ignorés, aux encriers marqués E. F. (Empire Français); la Mazarine, où j’ai connu des lettrés charmants : Léon Cahun, auteur de romans de premier ordre qu’on ne lit pas assez; André Walckenear, Albert Delacour, les deux premiers sont morts, le troisième semble avoir renoncé aussi bien aux lettres qu’aux bibliothèques; la lointaine Bibliothèque de l’Arsenal, une des plus précieuses qui soient au monde pour la poésie et, enfin, la Bibliothèque de Sainte-Geneviève, chère aux Scandinaves. (…)

Guillaume Apollinaire
Le flâneur des deux rives
Paris : Gallimard, 1975 (Idées ; 338)



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