Parker, Dorothy

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 » Une noire vaut une blanche « 
ou
 » Connaissez-vous Dorothy Parker ? « 

Une noire, une blanche et un piano.

Un pianiste aussi.
Pour faire entendre le verbe sucré-salé de Dorothy Parker, née Rotschild, ce n’est pas de la délation mais une référence, nous avons bien affaire à l’humour juif new-yorkais, non pas moustachu ou binoclard mais version jupons cette fois-ci.

Le sujet est très ciblé : la femme, ou plutôt les femmes vues par une femme.

Choix de sept nouvelles, sept portraits de femmes, croquées par une humoriste, à la dent dure et au coeur chou-fleur.

Une humoriste, ai-je dit ? Hé oui, ce n’est pas banal. Citez m’en trois avant Dorothy Parker ? Vous n’en trouverez pas. Dorothy Parker est un phénomène pour qui le mot épargner ne signifiait rien.

Elle n’épargna point ses contemporains, ni les hommes ni les femmes, elle ne s’épargna point elle-même, et il faut voir ces bourgeoises décrites comme autant de masques déformés certes mais néanmoins de l’auteur elle-même.  » Dottie  » n’épargna rien du tout : elle vécue une bonne partie de sa vie en pension à l’hôtel sans jamais un sou devant elle. Elle vécut frénétiquement la première moitié de ce siècle, buveuse, baiseuse, voyageuse, généreuse, rageuse, elle se battit contre l’oppression et légua ses droits d’auteurs au NAACP.

Elle vécut les plus grandes émotions : excès de rires et de pleurs au cours d’amours multiples et variées elle fut un prototype de la femme libre (ou libérée comme vous voudrez), gloire avec ses poèmes et nouvelles, ses articles dans les journaux, ses mots d’esprit dans les salons, désespoir de n(être pas foutue d’écrire un seul roman, une seule pièce de théâtre, déchéance dans l’alcool, trahisons, oubli, solitude.

Spectacle jazz, spectacle noir, car cette musique et ses musiciens me semblent indissociables de l’univers de Dorothy Parker, bien au-delà de la référence historique (c’est lâge d’or de Harlem) : on part d’un optimisme endiablé et fêtard en surface pour s’abîmer dans les profondeurs d’une mélancolie et d’un blues dont on ne s’échappe temporairement que par quelques vigoureux coups de reins dûs à l’ironie et à la dérision de soi. La musique et le chant interviennent entre et pendant les textes. Très dansante et joyeuse au début, la partition évolue vers un registre plus grave et laisse la part belle à la voix noire en solitude.

Hervé Colin


Bibliographie

Poèmes

Enough Rope, 1926

Sunset Gun, 1928

Death & Taxes, 1931

Not so Deep as a Well, 1935

Recueils de nouvelles

Laments for the Living, 1930

After Such Pleasures, 1933

Here Lies, 1939

En France les nouvelles de Dorothy Parker ont été éditées sous le titre :
Comme une valse / trad. de l’anglais par Michèle Valencia. – Paris : Union générale d’éditions, 1994. – 285 p. – (10-18 ; 2248 : Domaine étranger)
La Vie à deux : nouvelles / préface et traduction de l’américain par Benoîte Groult. – Paris : Union générale d’éditions, 1994. – 252 p. – (10-18 ; 1599 : Domaine étranger)

Biographie

L’extravagante Dorothy Parker / Dominique de Saint Pern. – Paris : Bernard Grasset, 1994. – 362 p.
Les trois volumes sont disponibles à la Médiathèque.

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