Exposition : fonds ancien de livres pour enfants

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Exposition : Fonds ancien de livres pour enfants

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Petit historique de la littérature de jeunesse jusqu’au XIXe siècle

Avant le XIXe siècle, il n’existe pas de littérature de jeunesse à proprement parler. Les ouvrages pour les enfants sont essentiellement à usage scolaire, religieux et moral. Cependant, un cas exceptionnel apparaît entre 1694 et 1699 : Fénelon, précepteur du Duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV, écrit pour son élève un roman d’aventures en français (non plus en latin comme il était de tradition). Non destiné à être publié, il est pourtant mis à la connaissance du public par l’audace d’un copiste : c’est un franc succès qui ne se démentira pas jusqu’au XIXe siècle. Il est bientôt traduit dans toutes les langues.

Dans le même temps, la littérature adulte se prête par défaut à la lecture des enfants : par exemple, les Fables de La Fontaine, les Contes de ma Mère l’Oye de Charles Perrault, des traductions de Don Quichotte de Cervantès (écrit entre 1605 et 1615), de Robinson Crusoé de Daniel Defoe (1719) et des Voyages de Gulliver de Jonathan Swift (1726).

Au milieu du XVIIIe siècle, les philosophes s’intéressent à la question nouvelle de l’apprentissage pendant l’enfance. Ils sont influencés par les pensées de John Locke éditées en 1693 : Some Thoughts concerning education. En 1762, paraît Émile ou De l’éducation de Jean-Jacques Rousseau. Ainsi le contexte est-il favorable à l’émergence d’une littérature de jeunesse. Elle est marquée notamment par les écrits de Mme Le Prince de Beaumont et son Magasin des enfants qui regroupe des récits dont La Belle et la Bête. Puis Arnaud Berquin rassemble de nombreuses histoires dans L’Ami des enfants.

La littérature jeunesse devient peu à peu un genre et les éditeurs se spécialisent à l’orée du XIXe siècle.

La littérature de jeunesse au XIXe siècle

À Londres, John Newberry (auteur-éditeur-libraire) avait déjà ouvert, en 1744, la première maison d’édition consacrée à la jeunesse, The Bible and the Sun. En France, la clientèle se constitue véritablement à partir de 1820. Pierre Blanchard et Alexis Eymery, éditeurs parisiens, créent le réseau commercial d’imprimeurs à Paris et en province. Le marché de la littérature de jeunesse se développe alors grâce aux premières lois scolaires.

La loi Guizot de 1833 organise l’enseignement primaire élémentaire, en imposant la création d’une école pour les garçons dans chaque commune de plus de 500 habitants, prévoyant la gratuité des manuels. Hachette profitera de cette mesure pour s’imposer comme éditeur pédagogique.

La loi Falloux de 1850 impose la création d’une école primaire pour les filles dans les communes de plus de 800 habitants. Elle favorise également l’ouverture d’écoles confessionnelles.

Ces lois permettent l’augmentation du nombre de jeunes lecteurs. Elles demandent, en outre, une production plus importante de livres scolaires, mais aussi de livres de prix remis solennellement aux élèves les plus méritants. Ce sont d’abord les éditeurs catholiques qui occupent ce secteur : Alfred Mame surtout, éditeur-imprimeur-libraire à Tours, qui se distingue par la qualité qu’il apporte au papier, à la typographie, aux gravures et aux cartonnages. S’impose également Martial Ardant et frères, éditeurs à Limoges. Leur littérature est religieuse et morale.

Un second secteur, celui des livres d’étrennes, produit des livres de luxe, édités notamment par Bédelet, Lehuby et Desesserts. Amédée Bédelet crée une « Bibliothèque du premier âge » dont chaque volume est imprimé « avec luxe sur beau papier grand raisin vélin », illustré de gravures et « cartonné très élégamment avec une riche couverture » (citation du catalogue de l’éditeur de 1855). Mais leur contenu s’assimile à celui des livres de prix, dépouillés de toute notion féerique.

Grâce à ses assises financières consolidées par son positionnement dans l’édition des livres scolaires, ainsi qu’à son réseau de librairies de gares (dont la première est ouverte en 1853) et à sa collection de la « Bibliothèque des chemins de fer », Louis Hachette fait s’épanouir la littérature jeunesse avec une collection de la « Bibliothèque rose ».

Cependant, L. Hachette ne renouvelle pas véritablement le genre, contrairement aux ambitions de Pierre Jules Hetzel qui prône la féerie. Il créera d’ailleurs, en 1864, une nouvelle collection, la « Bibliothèque d’éducation et de récréation », dont le principal auteur est Jules Verne. Pourtant, les livres de P. J. Hetzel n’atteindront pas l’imaginaire développé par les Anglo-Saxons dans la « fairy » et le « non-sense » (Alice au Pays des Merveille, À travers le miroir, la Chasse au Snark de Lewis Carroll, 1865, 1872 et 1876).

Luxueux, ses ouvrages s’adressent plutôt à une bourgeoisie éclairée. P. J. Hetzel fait appel, par exemple, à Gustave Doré pour illustrer les Contes de Charles Perrault. Ses reliures sont réalisées avec un soin extrême, faisant usage d’une couleur rouge jusque-là assez rare, pour une percaline gaufrée, rehaussée d’arabesques or et noir, et illustrée de manière à en faire la caractéristique des éditions Hetzel, comme celles des histoires de Jules Verne, aujourd’hui recherchées par les collectionneurs.

Les reliures d’éditeurs

L’attention est portée sur l’aspect extérieur des livres parce que ce sont des symboles du mérite et de l’excellence (livres de prix), des présents de valeur (livres d’étrennes plutôt destinés à être exposés que lus) ou des objets considérés comme ne pouvant être traités autrement, approchant l’objet d’art.

Les reliures sont fabriquées avec élégance et richement ornementées. Alfred Mame arrive pourtant à faire baisser les coûts de fabrication grâce au format réduit et à la standardisation. Il s’agit en effet des débuts d’une production industrielle.

Les cartonnages sont fabriqués à part puis collés sur les livres. Ils sont recouverts de percaline (toile enduite imitant le grain du maroquin), de toile, de papier, de cuir ; ils sont gaufrés (dessins en faible relief), lithographiés, rehaussés de couleurs, à médaillon, etc. Il existe différents types de décors : floraux, à arabesques, à écoinçons, à entrelacs, à semis, à compartiments, à motifs géométriques, baroques, « rocaille », etc. Les couleurs sont très variées, dans tous les tons de rose, bleu, vert, mauve, blanc, noir. Les médaillons ont des formes ovales, rectangulaires ou « fantaisie ». Parfois, différentes couronnes de laurier entourent le nom de l’établissement scolaire qui a remis le prix. Les dos, non dénués de soins, accordent autant de place au titre de l’ouvrage qu’au nom de l’éditeur.

Entre 1840 et 1860, les cartonnages papier portent le nom de « cartonnages romantiques »[1].

À partir de 1890, les éditions anglaises et allemandes font un usage courant des motifs inspirés par l’Art Nouveau (environ 1890-1910)[2].

Cette tendance se retrouve dans le fonds de livres anciens détenus par la Médiathèque Jacques Thyraud de Romorantin-Lanthenay. Les livres choisis pour leur couverture ornée de motifs Art Nouveau sont anglais et allemands (« Carrots » : just a boy de Mrs Molesworth, éditions Macmillan and Co, London, 1896 ; Wilhelm Hauffs sämtliche Werke, Max Hesse’s Verlag, Leipzig, 1903 ; Schicksale der Puppe Wunderhold, A. Cosmar, éditions Wilhelm Essenberger, Stuttgart, 1897, présenté pour son médaillon). Les autres éditions anglaises et allemandes, à la charnière des deux siècles, portent des motifs naturalistes annonciateurs de l’Art Nouveau, un mouvement artistique contestant les excès néfastes de l’industrialisation. C’est le cas d’un livre français du fonds, daté de 1889 : Histoire d’une bouteille, de E. Lefebvre, aux éditions Hachette et Cie.

Bibliographie

Études sur la Littérature de jeunesse

Philippe THIÉBAUT (commissaire général), « Fantastique et fantaisie ; Le livre d’enfant au tournant du siècle », 1900 ; Galeries nationales du Grand Palais, Paris, 14 mars-26 juin 2000, éditions Réunion des Musées Nationaux, p. 246-254, 2000, Paris.

Olivier PIFFAULT (dir.), Babar, Harry Potter & Cie ; Livres d’enfants d’hier et d’aujourd’hui, éditions Bibliothèque nationale de France, 580 p., 2008, Paris.

Christian POSLANIEC, Des livres d’enfants à la littérature de jeunesse, co-édition Découvertes Gallimard, Littératures / Bibliothèque nationale de France, 127 p., 2008, Paris.

Élisabeth VERDURE, Cartonnages romantiques 1840-1870 ; Un âge d’or de la reliure du livre d’enfant, éditions Stéphane Bachès, 143 p., 2008, Lyon.


[1] Voir la bibliographie Cartonnages romantiques 1840-1870 ; Un âge d’or de la reliure du livre d’enfant, Élisabeth VERDURE, éditions Stéphane Bachès, 2008.

[2] Voir la bibliographie 1900, catalogue d’exposition, Galeries nationales du Grand Palais, Paris,

14 mars-26 juin 2000, p. 246-254.



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